Alors que le rapport des Français au travail se fragilise, L’ADIS a consacré sa 3ᵉ soirée à cette question centrale : le travail est-il encore la solution ?

Interventions de Cyril Chabanier Président de la CFTC et Franck Morel avocat en droit social, ancien conseiller social à Matignon

 Pour cette 3ᵉ édition de L’ADIS – L’Agora du Dialogue Social, une soixantaine de décideurs, DRH, syndicalistes et experts se sont réunis pour débattre d’un sujet à la fois central et sous tension :

Le travail est-il encore la solution ?

Introduction : un contexte de fatigue sociale et d’incertitude politique

La soirée s’ouvre dans un climat de désenchantement social à l’égard du travail, accentué par une perception généralisée de perte de sens, d’injustice et d’iniquité dans la répartition des efforts.

Dans ce contexte, le travail semble de plus en plus contesté :
• Comme mode de rétribution sociale,
• Comme instrument d’émancipation,
• Comme pilier du financement du modèle social.

Le thème de cette 3ᵉ soirée s’inscrit donc dans une double perspective :
1. Poser un diagnostic lucide sur le rapport contemporain au travail.
2. Explorer les leviers concrets susceptibles de redonner au travail sa fonction structurante.

• Souligne les quelques avancées concrètes du conclave (trimestres supplémentaires pour les femmes, ajustements sur les carrières longues), mais déplore l’absence de vision globale.
• Rappelle que la parole syndicale reste affaiblie, dans un contexte de désengagement des partenaires sociaux sur le long terme.

Franck Morel :
• Constate un certain réalignement des acteurs sociaux malgré des postures initiales de retrait.
• Juge que le conclave a permis de rouvrir un dialogue sur des sujets jusqu’ici bloqués, notamment sur les paramètres du système de retraite.

II. Le modèle social à l’épreuve du financement par le travail

Constats partagés :
• Le financement du modèle social repose quasi exclusivement sur le travail salarié.
• Cela pèse sur la compétitivité, désincite à l’emploi, alimente les trappes à bas salaire et alimente le sentiment d’injustice chez les travailleurs modestes.

Propositions de Franck Morel :
• Clarification entre solidarité (impôt) et assurance (cotisation).
• Élargissement de l’assiette du financement social (TVA sociale, fiscalité mixte).
• Réduction des dispositifs qui déconnectent revenu d’activité et effort de travail (prime d’activité).

Position de Cyril Chabanier :
• Remise en cause des exonérations de cotisations non compensées, qui ont explosé depuis dix ans.
• Défend une vision équilibrée du partage de la contribution entre les différentes catégories de population (actifs, retraités, entreprises).

 
III. Revalorisation du travail : leviers structurels

Propositions de Franck Morel :
• SMIC négocié par branche, avec modulation possible selon les territoires.
• Triplement de l’actionnariat salarié, avec création d’un fonds de mutualisation en matière de participation pour y inclure les TPE-PME.
• Renforcement des dispositifs de participation, intéressement et épargne salariale.
• Permettre de réserver certains dispositifs instaurés par accords collectifs aux salariés membres d’une organisation signataire de ces accords collectifs.

Cyril Chabanier :
• Souligne la dégradation des conditions d’exercice du dialogue social, notamment depuis les ordonnances de 2017 (fusion des IRP, fin du CHSCT).
• Rappelle que la jeunesse n’est pas désengagée, mais attend un modèle plus juste, participatif, et transparent.

• Cyril Chabanier rappelle la nécessité de préserver la soutenabilité des parcours, particulièrement pour les salariés exposés à des métiers pénibles ou peu qualifiés.

 

V. Emploi des seniors et retraite : les points de blocage

Points communs :
• Reconnaissance d’un déficit structurel de l’emploi des seniors.
• Accord sur le fait qu’une hausse de l’activité des plus de 60 ans est incontournable pour l’équilibre du système de retraite.

Divergences :
• Franck Morel considère que l’âge de départ est un signal macroéconomique et un outil d’orientation du marché du travail indispensable dont les effets sont reconnus et constatés.

• Cyril Chabanier insiste sur le manque d’accompagnement et les discriminations à l’embauche comme freins majeurs à la prolongation des carrières.

VI. Capitalisation : une ouverture pragmatique

• Franck Morel juge nécessaire l’introduction progressive d’un étage de capitalisation universelle, notamment pour élargir l’accès à l’épargne retraite.

• Cyril Chabanier partage l’idée à condition que le modèle bénéficie aussi aux salariés des TPE/PME et aux non-cadres, et ne soit pas réservé aux salariés les mieux lotis.

Conclusion : vers une redéfinition du contrat social

La soirée s’est conclue sur un appel à redonner cohérence, sens et lisibilité au contrat social français. Le travail ne doit pas être présenté comme une charge ni un sacrifice, mais comme un moyen d’émancipation et un vecteur de reconnaissance sociale.